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REPLI (RECESS)

« Nulle opposition - Nul mouvement ». I-Ching.

Nous sommes très heureux de vous présenter la troisième édition des rencontres internationales d'art performance, Infr'Action Venezia qui présente cette année, 38 artistes venus de 18 pays. Elles se déroulent durant les journées professionnelles de la 56ème Esposizione Internazionale d'Arte du 6 au 9 mai 2015.

Indépendant et non financé, Infr’Action Venezia se distingue dans son contexte immédiat. Ces rencontres affichent en effet, un caractère humble et discret, elles s’adressent à des publics friands d’un art allant au-delà du cadre conventionnel.

La nomenklatura des mondes de l'art, la foule de Bâle se déploie dans les allées du Giardini, à proximité d’Infr'Action Venezia qui exprime au grand jour une forme d’art éphémère et intuitif dont l'intention n’est pas de divertir. Lors de ce rendez-vous biannuel, la mitoyenneté avec la création du monde de l'art se prolonge durant quatre jours. Nous estimons cette durée raisonnable. Les aspirations d’Infr'Action Venezia sont comparables à celles de l'eau : vivre, exister, s’écouler. Rien de plus, rien de moins. Précisément, être là, avec pour seuls bagages, les intentions, les attitudes, les significations et les réflexions, clairement opposées à celles de la foule de Bâle.

Si la notion de l'art pour l'art a obtenue une légitimité d'avant-garde, ce doit être à notre époque ! Un temps où l'art est plus que toute autre chose une marchandise, un investissement ou un objet décoratif à valeur ajoutée.

Là où Bâle, Miami et Hong Kong sont hypes comme les centres d’art bien qu’ils soient tout autre chose.

Un temps où les expériences d'avant-garde ont cessé, où les mouvements artistiques n’ont plus cours. L'idée même d'avant-garde est dissoute ou remplacée par des listes d'artistes renommés, rappelant le tableau mensuel de gratification de l’employé d'un McDonald, conçu par un fonctionnaire de l'ancien Bloc de l'Est.

La finalité des arts perçus comme décoration et valeur monétaire est légitimée dans une société où tout roule... un contexte dans lequel domine une tendance académique insipide, renvoyant le reflet fidèle d'une société dénuée d’empathie ; entouré par des objets, dans un spectacle permanent, celui des aspirants au 1%.

Le thème retenu pour cette troisième édition d’Infr'Action Venezia évoque le repli (Recess), un terme teinté d’humilité, aux significations multiples, surtout dans le contexte spécifique où il prend place. Tout au long de ces quatre jours, la pensée et la réflexion sont déconsidérées contrairement aux réjouissances et autres futiles mondanités.

Le terme repli (Recess) renvoie une image qui correspond assez bien à l’univers d’Infr'Action Venezia. Telle une cavité creusée dans un mur blanc érigé, résolument plat et sacré, ou, un peu en contrebas, une étendue forme un espace alternatif entre les murs, semblables aux zones résiduelles des travaux de Gordon Matta-Clark en 1973, Properties Reality: Fake Estates.

Le repli est un terme lié à l'art performance à bien des égards, non seulement en ce qui concerne sa position dans l'art contemporain, mais également par les notions de temps et d’action humaine qu’il désigne. Un moment au cours duquel le travail routinier habituel est suspendu, un arrêt momentané lors d’une activité, un temps destiné au réexamen, une pause pouvant aboutir à quelque chose d'autre, peut-être à un changement de direction ou de jugement, un verdict. Un instant précis interrompu, juste avant l’apparition de l'inconnu...

Si le vocable « en retrait » signifie une forme concave en référence à Aristote (Traité du ciel. Livre I.), et la notion d’être concave (une surface en creux), nous savons tous ce que présage une situation de récession...

Depuis sept années, ce mot est à la mode, utilisé de manière universelle pour décrire l’état économique naturel des populations démunies. Non seulement en Grèce, mais aussi dans de nombreux pays développés. Un terme synonyme de reprise de l'action et associé aux notions de banqueroute, d'effondrement, déclin, ralentissement, de moments difficiles, et bien sûr de chômage... précédant une dépression. Mais là encore, il s’agit juste d’un mot.

Cependant, une récession évidente subsiste également dans l'art contemporain. Un fait dont nous sommes témoins depuis un certain temps. Bien sûr, il n’est pas d'ordre économique. C’est une récession structurelle beaucoup plus large qui s’est imposée à la suite d'une absence de paradigmes artistiques opposés. Si l'histoire a toujours été témoin d'une opposition entre les différentes formes d'art et leurs représentants ; artistes, critiques ou intellectuels, cette opposition a disparu depuis des décennies. Comme le souligne si bien José Pierre dans son ouvrage Pop Art (1975), elle fut la définition même de l'avant-garde, la lutte paradigmatique entre les mouvements artistiques. En tant que tel, l'avant-garde et son attitude inhérente à l'opposition ont été pacifiées. L’absence d'antagoniste, d'idées ou esthétiques ne permet plus le débat. Seul, un courant dominant harmonieux demeure. Pour ainsi dire, ce qui était avant-garde ou précurseur a disparu, sa définition dénaturée. Pour aller jusqu'au bout, il n'y a plus de Marcel Duchamp.

La nécessité d'une opposition, le besoin de mouvement, l’envie d'autre chose ont été présent durant un certain temps. Nous devons maintenant faire une halte, une pause, reconsidérer ce qui se passe réellement, interroger les faits et les actes, identifier la direction à prendre.

Ainsi, ces réflexions forment le thème d’Infr'Action Venezia en 2015.  

Une année où son commissaire et fondateur est en grève. Un temps d’arrêt salutaire afin d’être en mesure de réfléchir, de penser, analyser et observer. Pour s’écouler librement, tout comme l'eau. Pour vivre en mouvement. Pour être en opposition.

 

Jonas STAMPE, commissaire

Infr'Action Venezia. Avril 2015.

Traduction : Nadia CAPITAINE





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